En même temps que des cinématographies disparaissent, comme celle de l’Afrique, d’autres surgissent (en Roumanie, en Argentine, en Belgique, en Iran…). Quelles sont les conditions de ces émergences ? Quelle cartographie redessinent-elles à l’intérieur du cinéma mondial ?
Parallèlement aux évolutions esthétiques, thématiques ou techniques, l’histoire du cinéma peut se lire à l’aune des éruptions – et, triste contrepartie, des extinctions – de cinématographies nationales. Depuis son invention, le cinéma n’a cessé d’être un enjeu géopolitique, le fer de lance du rayonnement culturel d’un pays.
Si, dans les années 2000, certains foyers jadis actifs se sont éteints ou amenuisés (l’Afrique, l’Iran, la Russie, qui ne se manifestent plus que par quelques phares isolés et inamovibles), d’autres ont su faire preuve d’une grande vitalité. Quels sont les signaux et les facteurs de cette vitalité ? Les festivals internationaux, en tête desquels Cannes, Venise et Berlin, mais aussi Nantes, Buenos Aires ou Pusan en Corée, sont généralement le premier lieu où se manifeste l’éclosion de « nouvelles vagues », et il n’est pas une année sans que les observateurs fébriles ne guettent l’émergence de nouveaux eldorados, images d’un monde-casino en perpétuelle rotation. Des films d’Argentine, de Corée du Sud, d’Allemagne, d’Israël, du Mexique, de Roumanie ou de Belgique (liste non exhaustive) se sont ainsi succédé sur les écrans à un rythme effréné, avec le risque qu’une
cinématographie chasse l’autre et que la profusion desserve en définitive la création.
L’Argentine et la Corée du Sud, après des années d’exposition, l’ont appris à leurs dépens et l’attention internationale s’est resserrée sur une poignée de valeurs sûres : Lisandro Alonso, Pablo Trapero, Lucrecia Martel, pour les premiers ; Hong Sang-soo, Bong Joon-ho et Lee Changdong pour les seconds. L’Allemagne est parvenue à rallumer sa flamme cinéphilique, éteinte après l’âge d’or des années 70, grâce à une stratégie pérenne : envoyer en reconnaissance quelques champions du box-office, hérauts bruyants du renouveau (Cours, Lola, cours !, Goodbye Lenin!, La Vie des autres…), sur lesquels se sont appuyés des auteurs plus exigeants.
Que ces « nouvelles vagues » soient le fruit d’un effort de formation (Argentine), de la mise en place d’une politique culturelle ambitieuse (Corée du Sud, Belgique) ou d’autres facteurs, elles semblent jouir d’une attention extrême.
Par Jacky Goldberg, les Inrockuptibles
INTERVENANTS
- Philippe Avril, producteur
Après avoir été journaliste, il se consacre depuis 1992 au développement et à la production de films à l’échelle internationale, à travers la société Unlimited, basée entre Strasbourg et Paris. Il a notamment travaillé avec le cinéaste russe Bakhtiyar Khudojnazarov (Luna Papa, 1999), le cinéaste sud coréen Park Kwang-Su (Les Insurgés, 1999), le cinéaste japonais Shinji Aoyama (Eurêka, 2000), la cinéaste pakistanaise Sabiha Suma (Khamosh Pani, 2003). Plus récemment, il a produit La Terre abandonnée du srilankais Vimukthi Jayasundara, récompensé par la Caméra d’or au Festival de Cannes 2005 et En avant jeunesse ( 2008) du cinéaste portugais Pedro Costa.
- Joachim Lafosse, cinéaste
Né en 1975 à Bruxelles, diplômé de l’IAD (Institut des Arts de Diffusion). Son film de fin d’études, Tribu, rencontre un franc succès dans de nombreux festivals. Scénariste, réalisateur, auteur et metteur en scène de théâtre, il enchaîne les projets à un rythme effréné. Son premier long métrage, Folie privée, récolte de nombreux prix. Il tourne en 2006 Nue propriété, avec Isabelle Huppert et, la même année, Ça rend heureux. Son dernier film, Elève libre, a été présenté à la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes 2008. Le public a pu découvrir l’ensemble de son œuvre au dernier Festival international du film de la Rochelle.
- Tudor Giurgiu , cinéaste et producteur
Né en 1972 à Bucarest. Diplômé de l’école de cinéma, il a été l’assistant de réalisateurs aussi importants que Lucian Pintilie et Radu Mihaileanu. Réalisateur de spots publicitaires et de clips, il signe en 2000 un documentaire, Hausmeister, qui reçoit plusieurs récompenses. Il réalise Love Sick, son premier long métrage, en 2006. Tudor Giurgiu est le fondateur et président honorifique du Festival du Film International de Transylvanie à Cluj-Napoca (Roumanie) et a été le directeur général de la chaîne de télévision TVR de 2005 à avril 2007. Il a crée sa société de production Libra Films Production.
- Liew Seng Tat, cinéaste
Né en 1979 à Jinjang en Malaisie. Diplômé de l’Université Multimedia de Malaisie en 2001, il obtient en 2003 et 2004 le prix du meilleur court métrage des Malaysian VIdeo Awards pour Bread Skin with Strawberry Jam et Not Cool. Son premier long métrage, Flower in the Pocket (2007), a été présenté dans de nombreux festivals et a été récompensé en 2008 par le Tiger Award du Festival international du film de Rotterdam et le Lotus du Jury au Festival du film asiatique de Deauville. Seng Tat Liew est actuellement résident de la Cinéfondation du Festival de Cannes.
- Pablo Trapero, cinéaste
Né en 1974 à San Justo en Argentine, il réalise plusieurs courts métrages au début des années 1990. Son premier long métrage, Mundo Grua (1999) tente de décrire le quotidien difficile de la classe ouvrière. El Bonaerense, un polar sélectionné par le Festival de Cannes 2002 dans la section Un Certain Regard, est acclamé par la critique. Suivent un road-movie, Voyage en famille (2004) et un portrait tourné en Patagonie, Nacido y criado (2006). Leonera, son dernier film, présenté en sélection officielle du Festival de Cannes 2008, sort en salles le 3 décembre. Pablo Trapero produit également plusieurs jeunes cinéastes argentins, dont Lisandro Alonso (La Libertad, 2001) et Albertina Carri (Geminis, 2005, La Rabia, 2008).
Modération : Jean-Marc Lalanne, critique cinéma aux Inrockuptibles