« Spectateur professionnel qui entrouvre son cabinet d’amateur », Joachim Lepastier est l’auteur du blog “365 jours ouvrables” (www.365joursouvrables.blogspot.com), carnet très personnel qui mêle cinéma et architecture, graphisme, musique et photographie… Il a réalisé plusieurs courts métrages (Chers Parisiens… , Periphpolis, Traces de ville, Paris roule-t-il ?).
Quelques explications, tout de même…
N’étant pas critique professionnel et n’étant jamais passé plus d’une heure à l’intérieur d’une rédaction, je ne me sens pas autorisé à donner un avis sur l’état et les pratiques d’une profession (la critique de cinéma).
Je n’ai jamais envisagé de devenir critique de cinéma et pourtant j’ai été irrésistiblement attiré (aspiré ?) par l’archipel des blogs (enfin, disons de la quinzaine ou vingtaine que je suis régulièrement). Pourquoi ? Sans doute parce que j’y ai trouvé l’alchimie (toujours présente, toujours différente, avec des nuances et des accentuations) de ces trois composantes :
-La composante “Ecriture de la première personne” : le simple journal, le récit du quotidien, comment la rencontre avec les oeuvres influe sur le quotidien. Si possible : transmettre cela en images (photos ou vidéos) ou faire état du travail en cours de “la petite fabrique de cinéma” (car il est des blogueurs qui travaillent dans le cinéma). Pères putatifs possibles : Cavalier, Morder, Mekas…
-La composante “Critiques, Chroniques” : plutôt que de s’inscrire dans le mimétisme des “critiques institutionnalisées” et de livrer des critiques longues et détaillées, des impressions sur les oeuvres qui peuvent être rapidement troussées sans manquer de pertinence. Tenir compte aussi du fait que contrairement à la critique de presse qui a été le “premier spectateur” du film pour le recommander et transformer ses lecteurs en futurs spectateurs (ou non), j’écris plutôt en imaginant que les lecteurs ont vu le film et j’attends leurs réactions. Dans l’idéal, les commentaires sont aussi importants, si ce n’est plus que les posts qui les stimulent. Quoique fortement individuel et subjectif, le blog a aussi une dimension collective ou communautaire, une sorte de forum subjectif.
De ce fait, c’est plutôt une écriture de l’après-coup que de la prescription. Et puis, ne pas s’interdire la vitesse, les raccourcis arbitraires, la subjectivité assumée ou la mauvaise foi (stylisée) dans ces écritures (dont les pères putatifs seraient Manchette et Skorecki). Préserver un des derniers luxes de la critique : celui d’être hors-temps, que ce soit dans l’avant (les Cahiers période “Nouveaux Cinémas” qui s’offraient le luxe d’écrire des dizaines d’articles sur les premiers Bertolluci, Glauber Rocha ou Skolimowski, six mois, un an voire deux avant que le film trouve le chemin d’une salle parisienne, faisant ainsi grandir l’aura de ces oeuvres) ou dans l’après (le “retour” voire “repentir”, tout de même pas inintéressant, des mêmes Cahiers sur leur site à propos du Nouveau Monde de Malick, six mois après sa sortie).
-La composante “Fétiches, marottes” : l’album (public) de collectionneur. Possibilité d’épingler (comme des papillons) des extraits, des images qu’on adore ou qui questionnent. Les faire résonner entre elles, avec d’autres textes. Assumer le fétichisme des cinéphiles “grands enfants”. Père putatif : Nick Hornby.
Un journal, un forum (individualisé) et un album. Le blog tourne donc autour d’autres types d’écriture ou de pratiques existantes, pratiques qui elles-aussi peuvent se situer à d’autres intersections. Disons que le forum (critique + subjectivité) pourrait être le blog sans l’approche “fétichiste”, l’album (collection + textes d’accompagnement) le blog sans l’écriture à la première personne et le journal (récit du quotidien + objets fétiches) le blog sans sa part critique.