(english version follows)
Professeur au département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’Université de Montréal, la thèse qu’il a présentée en 2008 porte sur « le temps décomposé : cinéma et imaginaire de la ruine ». Depuis 2001, il est chroniqueur et coordinateur de la section cinéma de la revue électronique Hors Champ et entre 2001 et 2007, il fut secrétaire de rédaction de la revue Intermédialités. Il a dirigé avec Viva Paci l’ouvrage collectif Chris Marker et l’imprimerie du regard (éd. L’Harmattan, coll. « Esthétiques », 2008), ainsi que le numéro consacré à L’imaginaire de la ruine (avec Richard Bégin et Bertrand Gervais) de la revue de sémiotique Protée.
1 - COMMENT ÇA VA ?
La question pourrait être, aussi bien, comment faire pour éviter les poncifs sur cette question (de l’ordre « nous venons après, maintenant qu’il ne reste plus rien ») et prendre les choses à rebours, de biais, là où on risque de trouver un peu de lumière. De biais, c’est-à-dire un peu aussi de l’extérieur du lieu où ces questions se posent (encore) (la France, Paris), trouver comment dire, du lieu d’où je parle (ces « arpents de neige » que votre ami Voltaire suggérait d’abandonner au profit de la Guadeloupe) (le Québec, Montréal), comment elle va la critique, m’amène à me demander, au fond, « pourquoi elle va toujours », chez vous ? Bien ou mal, elle va, existe, prospère (peu ou prou), on s’en inquiète, on la dorlote en table-ronde, on lui pose des questions (ce qui veut dire qu’on lui veut du bien). Déjà, de se poser, souriante ou inquiète, la question de son état de santé, est un signe de santé (n’est-ce pas Heidegger qui craignait que le défaut de Dieu ne soit plus ressenti comme défaut ?). Disons-le, la France a donné ses lettres de quasi-noblesse à la critique et on peut même se demander si elle se pose encore, cette question, à travers une forme élégante de chauvinisme, parce qu’il faut s’inquiéter de l’héritage qui va de Diderot à Truffaut, et ne pas le laisser s’étioler (impossible pour moi de répondre à cette question). Chez nous, elle est un peu, pas mal, beaucoup laissée pour compte, et nous serions bien en mal de dresser une liste d’invités notoires pour participer à une table-ronde ayant pour thème « où va la critique ? » qui ne dégénérerait pas aussitôt en débat sur « nos critiques défendent-ils assez le cinéma de chez-nous ». Alors pour quelques-uns d’entre nous, qui tenons encore en idée quelque chose de cet esprit critique passé dans les textes de Bazin à Daney, et qui nous obstinons (en faisant rire parfois nos amis parisiens) à lire les Cahiers et Positif (oui, oui) simplement parce qu’ils nous donnent des nouvelles du monde, nous pouvons, c’est donc dire je, profiter du chic de la distance pour répondre à la question « comment ça va ? », ironiquement, bien sûr, comme à l’époque où le disait l’ami Godard, en disant que « tout va bien ». Tout va bien dans la mesure où ça semble continuer d’aller, comme si de rien n’était. La critique est toujours en crise (elle ne l’était pas moins à l’époque des « trente glorieuses »), et on a le souci de se poser encore sa question.
Je crois que s’il exista des « temps héroïques » de la critique ce n’est pas parce que le geste critique était fondé sur des « systèmes d’interprétation », mais bien plus (on pense à l’époque qui va de Bazin à Daney, encore là, et aussi au-delà des frontières françaises, de Sontage à Farber et Rosenbaum) parce qu’il s’inscrivait dans un désir de ne pas être un « professionnel de la profession », de tenter de montrer avant tout et de transmettre — avec ce fond d’éducation populaire auquel Bazin a participé, duquel Daney a bénéficié — ce qu’on a « vu », afin que d’autres puissent le voir à leur tour (c’est le geste par excellence du theoiren grec, qu’une certaine « théorie du cinéma » a perverti ou considérablement transformé). Et cette idée est encore présente, sous une forme ou une autre, chez une portion de la critique (s’ils y parviennent ou pas, ce n’est pas à moi de le dire). Je ne suis par ailleurs pas convaincu que les « communautés critiques », « les grands mouvements » et les « grands courants » se soient totalement dissipés. Au fond, la critique, telle que je l’envisage, opère nécessairement à l’intérieur d’une communauté critique (collègues, lecteurs, communauté de goût, etc.), et se situe toujours dans un certain « courant », une certaine tendance critique qui la précède et l’anime : on est toujours le « passeur » d’un autre « passeur ». La question plus fondamentale est celle de l’espace critique que l’on alloue à ces communautés et à la pensée critique en général (et c’est peut-être là que le bât blesse). Posé plus posément, il faut se demander : où peut s’exercer ce désir de transmission aujourd’hui, qui est en mesure de s’en porter garant et est-ce qu’on leur accorde le temps et l’espace pour qu’il puisse s’exercer ? Or, il faut bien admettre que l’on on assiste depuis nombre d’années à une « professionnalisation » de la critique, devenue une branche du journalisme, qui n’est plus qu’une sous-branche des communications, et à une dissolution en douce des espaces publics, et c’est peut-être là où il faut s’inquiéter « ici et ailleurs » (sans sourire cette fois). C’est bien là qu’il y a une érosion et c’est bien pour ça qu’il faut être, plus que jamais, « héroïque » pour maintenir la « fonction critique » de la critique, débusquer, détourner ou inventer des nouveaux espaces afin de déloger un peu de temps pour penser. Le geste critique aujourd’hui, pour moi, doit se mesurer sur le fond de cette question : « où ça peut encore parler ? » Où elle en est, alors ? Elle est là où on lui laisse le temps et le lieu pour s’exercer.
2 - COMMENT ÇA MARCHE ?
Voir. Pour commencer. Souvent, et beaucoup de films, en revoir aussi, les mêmes, d’autres, les avoir en tête. Cela veut dire aussi avoir plusieurs films en même temps dans la tête (ce qui est bien pour la mémoire). Prendre des notes, bien sûr, durant les projections, des mementi pour quand la poussière sera redescendue. Le type de critique un peu bizarre que je pratique pour la revue dont je m’occupe (Hors champ), me donne la chance de ne parler à peu près que des films ou des questions qui m’ont interpellé, donc du coup en dehors de toute obligation de dire tout de suite quelque chose sur un film parce que ce serait mon « métier » (j’ai beaucoup d’admiration pour ceux qui en sont capable, même si c’est leur métier). Plutôt, dans mon cas, c’est le prolongement d’un plaisir, ou le désir de voir ce plaisir du « voir » se prolonger dans l’écriture, de parler (par exemple) d’un film que presque personne n’a vu (parce qu’il est sublime), ou aussi de défendre des films, des démarches, des postures, pour faire voir. Cela peut être aussi prendre le contre-pied d’un consensus critique, de relever des dérives que l’on juge odieuse et contre lesquelles personne ne semble avoir tenu compte. Donc il y a toujours un côté « à chaud », qui se déroule durant la projection même, de savoir en quelques plans si tel film appartient à la cohorte de ceux sur lesquels on voudrait écrire. Ce n’est pas nécessairement toujours les meilleurs, les plus parfaits, qui parfois laissent pantois, et qu’on préfère laisser tranquillement dans leur lumière spécifique. Mais toujours ceux qui nous ont parlé, qui nous ont regardé et reconnu. Il s’agit donc moins de se donner une distance, que de trouver la bonne distance dans l’écriture pour que le film puisse réapparaître. Pour ça, et de plus en plus, je suis soucieux des descriptions, ne fut-ce qu’un plan, qui donne la teneur du reste, trouver la bonne métonymie. Si on parvient à montrer ce plan, cet enchaînement, à dire pourquoi il est absolument singulier, grandiose ou grotesque, le reste est littérature. Je crois — et c’est parfois le défaut d’une certaine critique au quotidien, ou même des Cahiers que je lis goulument nonobstant — qu’il est important que l’écriture, que le style ne devance pas le film, le prenne de vitesse (même s’il faut parfois faire vite). Il y a une relation particulière entre le film et le langage, voire les métaphores qu’il nous suggère, mais il ne faut que ces dernières surplombent le film, l’écrasent et le masquent. Trouver cet arrimage, cet agencement qui parvient à montrer, dans le temps, le mouvement, ce que tel ou tel film fait, opère dans la matière et en nous, c’est aussi ce qu’il y a de plus difficile. Mais à cette condition seule quelque chose de valable peut passer… Mais c’est aussi la base de toute pédagogie de l’image et de l’enseignement du cinéma, bien compris.
3 - COMMENT ÇA SE DÉPLACE ?
J’essaie de parler assez peu des films que je n’ai vus qu’en DVD (quitte à les voir, les analyser plus en détails, une fois l’expérience, le choc de la salle passée, ce qui permet aussi, si on possède le DVD, de faire des captures d’écran, de « recapturer » l’esprit d’un enchaînement, d’un cadre). Pour moi, c’est quand même là que tout se joue, encore. On ne peut pas faire l’impasse sur le fait que — du moins en Amérique du Nord —, la majorité des étudiants en cinéma et des spectateurs lamda passent plus de temps à regarder des films devant leur ordinateur ou devant leur télé. Cela entraîne nécessairement une perte, moins dans la qualité de l’image, que dans la qualité et la prégnance des durées. On ne peut pas éprouver les durées de Jeanne Dielman, du Tango de Satan, d’un film expérimental (pour prendre des exemples extrêmes), même d’un Rohmer, de la même manière, c’est évident. Sur ce point, il faut être un peu impitoyable, quitte à paraître vieux jeu : sinon, c’est une part immense du cinéma qui deviendra bientôt irregardable. Ceci étant dit, l’enseignement et par extension la pratique de la critique peut gagner des nouveaux moyens de reproduction. Rendre le « film invisible » (selon l’expression de Bellour) un peu plus visible, par découpe d’extraits, captures d’écran. Cela modifie considérablement la lecture, puisqu’elle est pensée à partir de moyens qui ne sont pas inscrits a priori dans l’expérience du film : arrêt sur image, retour, ralenti. Il faut simplement en tirer profit, et en prendre acte, y compris dans les supports de diffusion et les moyens de reproduction (Malraux et Godard en ont bien tiré leurs « musées imaginaires »). Il m’est arrivé d’écrire des « articles » en ne me servant que de captures d’écran (un article sur les Constellations référentielles dans la trilogie de Gus Van Sant). Cela aurait été plus difficile à « montrer » jadis, et serait difficile à présenter dans un magazine traditionnel. Internet permet quand même ça, même s’il ne faut pas en faire une habitude, et qu’il ne faut pas que ça remplace le travail de réflexion et d’écriture. Mais cela me semble une façon intéressante « d’exposer » un discours sur le cinéma, et d’ancrer le discours dans une pratique d’images, pour le coup, contemporaine, et qui induit des nouvelles formes d’écriture. L’excellente revue électronique, maintenant défunte, Synoptique, avait une section d’analyse de séquences de films, et incrustait les extraits dans l’interface du site. On voyait l’extrait, on se reportait au texte, et ce jeu de va-et-vient (que nous faisons souvent dans l’enseignement) m’apparaissait très fécond. Cela permettait une lecture en détail, et c’est un des profits que l’on peut tirer des nouveaux moyens de reproduction. On travaille, là, avec des copies de copies, loin du ciel des idées de la salle de cinéma, et il faut toujours s’en rappeler. Je pense que la théorie — du moins, telle qu’elle s’est imposée à l’université en Amérique — est moins intéressée par ce genre de pratique, et de toute façon pour « elle », un film est un texte (sémiologie), un système de signes (sémiotique), un symptôme culturelle (cultural studies), le lieu d’une performance spectatorielle (sémio-pragmatique), etc. Et ce, peu importe son support de diffusion. Pour caricaturer, elle est plus captivée par ses propres taxinomies, ses propres concepts, et à la légitimation institutionnelle des études cinématographiques, et tout cela n’est bien souvent pas conçue pour ouvrir et servir les films, les mettre en série et en relations dans le temps (et beaucoup de théoriciens, et même d’historiens, ont depuis longtemps cessé d’aller au cinéma… dommage pour eux, ils ne savent pas ce qu’ils manquent). La critique ne doit pour autant renoncer à se servir de concepts, seulement elle doit un peu les « détourner », s’en servir de biais, afin qu’ils aident à saisir, voir et s’expliquer les films. Cela m’apparaît comme le mandat de la critique, modeste mais fondamental, et permet de ne pas perdre de vue les mouvements internes à l’histoire des formes cinématographiques (y compris dans ses dimensions technologiques, sociologiques, esthétiques). Si la théorie est en « crise », aujourd’hui — bien que ce soit un autre sujet —, c’est qu’elle a peut-être perdu son ancrage dans l’expérience des films, en un mot, dans ses liens avec la « cinéphile » (même si elle se méfiait, déjà à l’époque, du pouvoir de fascination des images).
4 - COMMENT FAIRE ?
L’information, l’idéologie de l’information, est ce qui menace le plus la critique aujourd’hui, tout simplement parce que, pour elle, « tout va bien » (sans avoir à se poser la question « Comment ça va? », et cela Godard l’a tant de fois montré), il faut que ça communique, que les choses circulent. Rien ne pose problème, en un mot. Ce qui pose problème, fait question, est traité avec désinvolture (rien de pire qu’un critique désinvolte) ou n’est tout simplement, c’est le plus fréquent, pas traité. L’information ne nous dit pas « comment c’est fait? », mais à la limite ce qu’il faut en penser sans le montrer, sans se donner le temps pour penser (elle est fondamentalement totalitaire). C’est la critique patentée, qui joue les jeux des médias, ces « professionnels de la profession » qui parlent sans bégayer, et qui se mouillent très peu en général. On est évidemment en plein dedans, et fort est à parier que les nouvelles technologies, loin de produire des nouveaux espaces de réflexion, ne sombre — c’est déjà le cas — dans la culture youtube, clip et capsule, qui fait tant plaisir aux industries de la culture. Assumons alors la périphérie, la marge, où ça respire un peu plus. Des revues, comme Trafic, Vertigo, certains sites comme Rouge, et j’en passe, donnent une autre version du monde, et accessoirement du cinéma, et à la limite, ai-je envie de dire, moins on est nombreux, plus on risque de s’amuser et de savoir où on s’en va… L’accès débile à l’information, la profusion des images et des discours est à ce point vertigineux, qu’il suffit de quelques îlots, quelques phares qui se découpent sur l’horizon, pour que l’on s’y retrouve. Il faut pour cela des moyens pour voir et parler, qui n’ont pas besoin d’être très sophistiqués, mais bien « adaptés » (ils finissent bien par trouver quelques curieux). La critique, en ce sens, aurait tout intérêt à déplacer son regard (voir les chroniques sur le tennis ou les reality show de Daney) sur des champs où on ne penserait pas qu’il pourrait s’appliquer, à se décloisonner un peu, tout en maintenant sa posture et son acuité. Il faudrait toujours parvenir à remettre en cause l’idée toute bête que, nécessairement, « ça va de soi ». C’est ce qu’abhorre la communication, et c’est là où la critique doit jeter son dévolu. Comment ça va ? Cela ne va pas de soi.
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1 – HOW IS IT DOING?
The question could also be, how can we avoid commonplaces regarding this question (such as “we come afterwards, now that nothing remains”) and take things backwards, at an angle, where one is likely to find some light. At an angle, also meaning a little bit outside of the place where these questions (still) arise (Paris, France), finding how to say, from the place where I am speaking (those “arpents of snow” that your friend Voltaire suggested giving up for Guadeloupe) (Quebec, Montreal), how criticism is doing, leads me to ask myself, deep down, “why is it always doing”, on your premises? Well or badly, it does, exists, thrives (more or less), we worry about it, we pamper it at roundtables, we ask it questions (which means that we are concerned by its well- being). Already, to be inquiring, with a smile or with concern, about its health condition, is a sign of health in itself (is it not Heidegger who feared that God’s flaw may no longer be experienced as a flaw?). Let it be said, France accredited criticism with quasi-nobility and one can even wonder whether it still asks this question, through an elegant form of chauvinism, because one must worry about the heritage which goes from Diderot to Truffaut, and not leave it to perish (impossible for me to answer this question). On our premises, it is a little, quite, much left for account, and it would be quite ill-eased for us to draw up a list of notorious guests to take part in a round-table having for topic “where is criticism heading?” that would not degenerate at once into a debate as to determine “whether the critics of our homeland defend our films enough”. Then for some among us, whose ideas still clutch to something of the late critical spirit in the texts of Bazin to Daney, and who are obstinate (sometimes making our Parisian friends laugh) with reading the Cahiers and Positif (yes, yes) simply because they give us news of the world, we, thus to say I, can benefit from the chic of the distance to answer the question “how is it doing? ”, ironically, of course, just as our friend Godard said it at the time, by answering “all is well”. All is doing well insofar that all seems to continue going on, as if nothing was to be thought of it. Criticism is always in crisis (it was not less so at the time of “the thirty glorious ones”), and one has the concern to still ask its question.
I believe that if the “heroic times” of criticism existed it is not due to critical gesture being founded on “interpretation systems”, but on much more (one thinks of the epoch from Bazin to Daney, again there, and also beyond the French borders, from Sontage to Farber and Rosenbaum) because it fell under a desire to not to be a “professional of the profession”, to try to show above all and to pass on - with the popular education basis in which Bazin took part, and from which Daney profited — what one “saw”, so that others could see it in their turn (it is the Greek theoiren gesture par excellence, that a certain “theory of cinema” perverted or considerably transformed). And this idea is still present, in one form or another, in a certain portion of critics (if they reach that point or not, it is not for me to say). I am in addition not convinced that the “critical communities”, “the great movements” and “the great currents” were completely dissipated. Deep down, criticism, as I consider it, necessarily operates inside a critical community (colleagues, readers, community of taste, etc), and is always situated in a certain “current”, a certain critical tendency which precedes it and animates it: one is always the “frontier runner” of another “frontier runner”. The more fundamental question is that of the critical space attributed to these communities and to critical thought in general (and this is perhaps where the problem dwells).
To put it more composedly, it is necessary to wonder: where can this desire of transmission be practised today, who is in a position to stand as it’s guarantor and are they granted enough time and space so that it can be practised? However, it must be admitted that for a number of years one has been witnessing a “professionalisation” of criticism - which has become a branch of journalism, itself merely a subbranch of communications - and a slow dissolution of public spaces, and this is perhaps where it is necessary to worry “here and elsewhere” (without smiling this time) . It is indeed here that there is an erosion and it is for that reason that one must be, more than ever, “heroic” to maintain the “critical function” of criticism, to drive out, divert or invent new spaces in order to extricate a little time to think. Critical gesture today, in my opinion, must be measured on the premises of this question: “where can it still speak?” Where it is at, then? It is there where one gives it the time and the place to be practised.
2 – HOW DOES IT WORK?
It starts by seeing. Often, and many films. Also by re-examining some, the same ones, and others, to keep them in mind. Which also means having several films in mind at the same time (which is good for memory). Taking notes, of course, during projections, mementi for when the dust has settled again. The slightly odd type of criticism that I practise for the review that I am in charge of (Hors champ), gives me the opportunity to speak almost exclusively about films or questions that have captured my attention, therefore exempt from the obligation to say something immediately about a film because it is my “trade” (I have much admiration for those who are capable of doing so, even if it is their trade). Rather, in my case, it is the prolongation of a pleasure, or the desire to see this pleasure of “seeing” being prolonged in writing, speaking (for example) about a film that almost no one has seen (because it is sublime), or also defending films, methods, positions, to have them shown. These may also wrongfoot critical consensus, and bring out movements considered repulsive which no one seems to have taken into account. Thus there is always a side “where the iron is hot”, which is held during the projection itself, knowing within a few shots if the film belongs to those of which one would like to write. It is not necessarily always the best, most perfect films, that sometimes leave one astounded, and that one prefers to leave quietly undisturbed in their specific light. But it is always those which spoke to us, which looked at us and recognized us. It is thus less a question of distancing oneself, than of finding the right distance in writing so that the film can reappear. For this, and more and more, I am attentive to descriptions, may it be only one shot, giving content to the rest, finding the right metonymy. If one manages to show this shot, this sequence, to describe in what it is absolutely singular, majestic or grotesque, the rest is literature. I believe - and it is sometimes the flaw of common criticism, or even of the Cahiers of which I am nonetheless an avid reader - that it is important that writing and style do not precede or come faster than the film (even though it is sometimes necessary to use a fast pace). There is a particular relationship between film and language, in the metaphors suggested to us, but they mustn’t dominate, crush or mask the film. To find this arrangement, the disposition that manages to show, throughout time and movement, what such or such film does and operates in matter and in us, is also one of the most difficult tasks. But this is the only condition throughout which something valid can be admitted … But of course it is also the basis of all image pedagogy and cinematic teachings.
3 – HOW DOES IT MOVE ABOUT?
I try to speak rather little about films which I have only seen on DVD (should they be rewatched, analyzed further in detail, once the experiment, the shock of the screening has subsided, if one owns the DVD, this also renders screen capture possible, “recapturing” the essence of a sequence, of a frame.) In my opinion, this is again the all-important moment. One cannot ignore the fact that - at least in North America -, the majority of film students and of lamda spectators spend more time watching films in front of their computer or their TV. This necessarily involves a loss, less in the quality of the image, than in the quality and in the impact of the durations. One cannot experience the length of Jeanne Dielman, of the Tango of Satan, of an experimental film (to use extreme examples), even of a Rohmer film, in the same manner, it is obvious. It is necessary to be a little ruthless on this issue, should it mean appearing old-fashioned: if not, a great part of cinema will soon become unwatchable. This being said, teaching and by extension the practice of criticism can achieve new means of reproduction. Rendering “invisible film” (according to Bellour’s expression) a little more visible, by extract cuts, screen captures. The reading is therefore considerably altered, since its conception is based on means that do not appear to be registered in film experience: freeze frame, rewind, slow motion. This should simply be put to use, and be taken note of; including in distribution supports and means of reproduction (Malraux and Godard indeed drew their “imaginary museums” from this). I have sometimes written “articles” using only screen captures (an article on the referential constellations in the Gus Van Sant trilogy). In other times, this would have been more difficult “to show”, and would be difficult to express in a traditional magazine. Internet does enable this nevertheless, even if it shouldn’t become routine practise, or replace writing and deliberation. But it seems to me an interesting way “to expose” a discourse on cinema, and to anchor the discourse in a practice, this time contemporary, of images, inducing new forms of writing. The excellent, now defunct, electronic review, Synoptic, had a film sequence analysis section, and inlaid the extracts in the site’s interface. One could see the extract, refer to the text, and this game of to and fro (often used in teaching) seemed very prolific to me. This enabled a detailed reading, and it is one of the advantages drawn from new means of reproduction.
There is where we work, with copies of copies, far from the firmament of movie theatre ideas, and one must always keep that in mind. I think that theory - at least, such as it has imposed itself in American universities – is less interested by this kind of practice, and anyhow in “its” eyes, a film is a text (semiologic), a system of signs (semiotic), a cultural symptom (cultural studies), the set of a spectatorial performance (semio-pragmatic), etc. And this is regardless of its distribution support. To put it in caricature, theory is captivated by its own taxonomy, its own concepts, and with the institutional legitimating of cinematographic studies, and all that is often not conceived to unlock and to serve films, to connect them in series and in time (and many theorists, and even historians, have ceased going to the cinema long ago… a shame for them, they don’t know what they are missing). Even so, criticism doesn’t need to relinquish use of concepts, it must only “elude” and “twist” them a little, so that they may help to seize, see and explain films. For me this appears to be criticism’s modest but fundamental assignment and it makes it possible not to lose sight of movements belonging to the history of cinematographic form (including its technological, sociological, aesthetic dimensions). If theory is in “crisis”, today - although this is all together another subject -, perhaps it is because it has lost it’s anchoring within film experience, in a word, with its connection to “cinephilia” (even if it was, already at the time, wary of the capacity images have to fascinate).
4 – HOW DOES IT GO ABOUT?
Information, information ideology, is what threatens criticism the most today, quite simply because, for it, “all is well” (without having to ask the question “How is it doing?”, and this has been frequently demonstrated by Godard), it is necessary to communicate, that things circulate. To sum up, nothing is a problem. Anything put as a problem or as a question, is treated with nonchalance (nothing worse than an off-hand critic) or more frequently, simply not treated at all. Information doesn’t tell us “how it goes about”, but at the most what is to be thought of it without demonstration, without being given the time to think (it is fundamentally totalitarian). It is licensed criticism, who plays media games, those “professionals of the profession” who speak without stuttering, and who wet themselves very little in general. We are obviously in the thick of it, and one can strongly suspect that new technologies, far from producing new spaces of thought, may sink - it is already the case – into youtube, music video and capsule culture that please culture industries so much.
Let us then defend the sideline, the margin, where there is a little more breathing room. Reviews, like Trafic, Vertigo, certain sites like Rouge, to name only a few, give us another account of the world, and incidentally of the cinema, and in extreme cases, and I even want to say, that the fewer we are, the more likelier we are to have fun and know where we are going… Weakened access to information, image and discourse profusion is so vertiginous, that it is enough for some small islands, a few headlights standing out on the horizon, for us to break even. It is necessary for this to have the means to see and speak, which needn’t be very sophisticated, but “well adapted” (they end up finding those that are curious). In this regard, it would be in criticism’s better interest to refocus (refer to tennis chronicles or to Daney’s reality show) on fields where wouldn’t have thought that it could apply, to decompartmentalize itself a little, while maintaining it’s posture and acuity. One should always be able to question the very simple idea that, necessarily, “it goes without saying”. It is what communication loathes, and this is where criticism must set its heart. How is it doing? It does not go without saying.