Quels films produire aujourd’hui ? Avec quels moyens ? Du film le plus singulier au blockbuster, pour quels publics ?
L’évolution des nouvelles technologies, des rapports économiques et des goûts du public conditionne la nature des relations économiques dans le cinéma. On peut en résumer les principaux symptômes : tendance à un grand écart entre films très chers et films sous-financés; même constat au box-office, l’écart du nombre d’entrées entre films populaires et films exigeants se creusant ; multiplication des guichets de financement qui ralentit le montage d’un film et dilue les énergies ; réduction du temps dévolu à la réflexion artistique pendant la fabrication d’un film; multiplication des films à l’affiche et rotation accélérée des titres visibles en salle; écart grandissant dans les budgets marketing entre gros films et petits films; redistribution inéquitable des recettes entre les différents acteurs de la chaîne de fabrication-diffusion des films…
L’écosystème du cinéma en salle n’est-il pas voué à se réduire ou tout au moins à se transformer face au surgissement du digital ? Le cinéma au sens classique étant concurrencé par le marché des jeux vidéo, des séries télévisées, mais aussi par le secteur « pirate » d’internet (YouTube, téléchargements), n’est-il pas logique que son économie soit l’objet d’une refonte ? L’offre d’images n’est-elle pas trop forte pour pouvoir être économiquement absorbée par la demande ? Ne faudrait-il pas élargir le traditionnel circuit télévisions Soficas-CNC-producteursdistributeurs- exploitants éditions DVD aux nouveaux acteurs que sont les sociétés de jeux vidéo, d’informatique, de portail internet et de téléphonie mobile ? Si le cinéma a amorcé sa mue esthétique avec les hybridations entre prises de vue réelles et virtuelles, ne doit-il pas avancer dans une mutation économico-financière organisant la synergie entre tous les secteurs des métiers des écrans ? Dans un autre ordre d’idée, la légèreté des outils numériques, leur relative facilité d’accès ne vont-elles pas donner naissance à une scène indépendante, à de nouvelles façons de faire des « films » avec peu de moyens, et dont Youtube ou Dailymotion seraient les prémices embryonnaires ?
Par Serge Kaganski, les Inrockuptibles
INTERVENANTS
- Éric Altmayer, producteur
Né à Paris en 1962, il créé avec son frère Nicolas, la société de production Mandarin Cinéma en 1996. Depuis, ils ont produit ensemble plus de vingt films, de Brice de Nice de James Huth (2004) à OSS 117, Le Caire nid d’espions de Michel Hazanavicius (2005) et plus récemment, Le Premier Jour du reste de ta vie de Rémi Bezançon et La Possibilité d’une île de Michel Houellebecq (2008). Ils préparent le premier long métrage de Thierry Ardisson, L’Empereur de la nuit. Éric Altmayer est le président de l’Association des Producteurs de Cinéma (APC), née en avril 2007 du rassemblement de cent-vingt sociétés de production.
- Pascale Cassagnau, Centre national des arts plastiques
Pascale Cassagnau est docteur en histoire de l’art et critique d’art, responsable des fonds audiovisuels et nouveaux médias au Centre national des arts plastiques (CNAP). Elle collabore à Art Press depuis de nombreuses années. Elle est l’auteur de textes sur Chris Burden, James Coleman, John Baldessari, Pierre Huyghe, Dominique Gonzalez-Foerster, Matthieu Laurette notamment. Ses recherches portent les nouvelles pratiques cinématographiques, dans leur dialogue croisé avec la création contemporaine. Son essai Future Amnesia - Enquêtes sur un troisième cinéma (éd. Isthme) cartographie ces nouvelles formes filmiques, entre fiction et documentaire. Un pays supplémentaire (à paraître en mars 2009, aux éditions Monografik) portera sur la question de la création contemporaine dans l’architecture des médias.
- Corinne Castel, productrice indépendante
Après une formation cinématographique et audiovisuelle et des premiers pas en documentaire, elle s’oriente vers la production d’art contemporain. Elle intervient sur des commandes d’artistes au Centre Pompidou à partir de 1993 et collabore régulièrement avec la structure Anna Sanders Films depuis 1999. Elle a travaillé notamment avec Stan Douglas, Mona Hatoum, Douglas Gordon, Johan Grimonprez, Pierre Huyghe, Gerard Byrne, Thierry Kuntzel, Ugo Rondinone, Melik Ohanian… Elle encourage des premiers films en accompagnant les projets de Virgil Vernier, Chroniques de 2005, de Mati Diop, 1000 soleils (en cours)…
- Frédérique Dumas, directrice générale de Studio 37
Frédérique Dumas dirige Studio 37, filiale de coproduction et d’acquisition de droits d’Orange/France Telecom, créée en novembre 2006. Elle a été productrice indépendante pendant plus de dix ans, à la tête d’une filmographie éclectique : de Before the Rain de Milcho Manchevski (Lion d’or à la Mostra de Venise 1994) à Dobermann (1997) de Jan Kounen, en passant par Train de vie (1998) de Radu Mihaileanu ou encore No Man’s Land, de Danis Tanovic, récompensé par l’Oscar du meilleur film étranger en 2002. Elle a par ailleurs occupé successivement les fonctions de conseillère en charge du cinéma pour le Ministre de la culture et de la communication (1986-1989), directrice du développement de PolyGram audiovisuel et présidente de la chambre syndicale des producteurs.
- Denis Freyd, producteur
- Producteur et président de la société Archipel 33, Denis Freyd est l’un des membres du « Club des 13 ». Il a produit notamment, depuis 1987, les longs métrages de Patricia Mazuy (Saint-Cyr en 2000), Jacques Rivette (Ne touchez pas à la hache en 2006) ou encore Abderrahmane Sissako (Bamako en 2006), mais aussi le documentaire Histoire d’un secret de Mariana Otero en 2003. Il collabore régulièrement avec les frères Dardenne : Le Fils (2002), L’Enfant (2005) et Le Silence de Lorna (2007). Denis Freyd a également produit de nombreux documentaires pour la télévision.
- Sylvie Pialat, productrice
Elle rencontre le cinéaste Maurice Pialat sur le tournage d’À nos amours (1983), alors qu’elle est régisseuse générale du film. Elle l’épouse, collabore aux scénarios de deux autres de ses films, Police (1985) et Van Gogh (1991), et adapte pour lui le roman de Georges Bernanos, Sous le soleil de Satan, Palme d’or au Festival de Cannes 1987. À la mort de Pialat, en 2003, elle se lance dans la production en créant Les Films du Worso. Meurtrières (2005) de Patrick Grandperret, le premier long métrage qu’elle produit, est suivi, entre autres, par La Faute à Fidel (2006) de Julie Gravas et Cortex (2006) de Nicolas Boukhrief. Les Films du Worso produisent le prochain film d’Alain Guiraudie, Le Roi de l’évasion, et Gardiens de l’Ordre, de Nicolas Boukhrief, à sortir en 2009.
Modération : Serge Kaganski, critique cinéma aux Inrockuptibles
4 QUESTIONS
Les commissions d’attribution des aides prennent-elles en compte les goûts supposés du public ?
thomas grandin, le 6 décembre 2008 à 14:02
Le producteur mécène : mythe ou réalité ?
Arima, le 6 décembre 2008 à 14:03
Charles de Meaux parlait mercredi dernier dans une précédente table ronde de sa liberté absolue de filmer en DV. A l’heure des nouvelles technologies, comment construit-on le financement d’un film? Est-ce si différent qu’auparavant?
Ludo73, le 6 décembre 2008 à 14:05
une question sur IFCIC: la fonction de IFCIC est adressé à qui? producteur?distributeur?
merci
sylvain, le 6 décembre 2008 à 16:33